lundi 11 novembre 2013

PRENDRE LE TRAIN

C’est curieux : prendre le train, c’est un peu comme faire de la politique. Les mêmes voyageurs peuvent s’y retrouver.
Ainsi, vous trouvez :
Ä Ceux qui veulent prendre le train : les électeurs, qui savent quand voter, quand prendre le train. La plupart savent où ils veulent aller mais certains ne sont pas contre étudier une autre destination, peu sûrs de celle qu’ils avaient choisie par le passé ou dernièrement.
Ä Ceux qui savent où aller et qui veulent en convaincre leurs voisins, avec des outils et des méthodes qui vont des douces aux beaucoup plus… insistantes : les militants. Quand ils ne sont pas d’accord avec la destination, leurs rencontres se soldent souvent pas des échanges verbaux peu amènes. Quelquefois, les échanges ne sont pas seulement verbaux.
Ä Ceux qui ne savent pas s’ils prendront le train, qui resteront sur le quai : les abstentionnistes. Qui pensent que tous les chemins mènent à Rome, alors pourquoi choisir ? D’autant que si tu ne vas pas à Rome, Rome viendra à toi.
Ä Ceux qui ne veulent pas prendre le train : les anarchistes. De droite, de gauche, du centre. Aux raisons aussi multiples qu’ils le sont eux-mêmes. Ils appartiennent principalement à deux grandes familles : les électeurs déçus, donc aigris, et les militants déçus, donc aigris. Bref, des aigris qui n’envisagent pas que ce n’est pas parce que l’on n’a pas pris le bon train que ce dernier n’existe pas.
Ä Ceux qui ne veulent pas prendre le train et qui en font la publicité : les anarchistes militants. De deux familles : les précédents aigris et qui le disent (“Je suis aigri libre”), qui n’ont jamais eu le courage de proposer un autre voyage, qui ne savent que fredonner, souvent avec fausses notes, quelquefois en vociférant, la chanson d’Alain SOUCHON, “Jamais content”, et les vaches, magnifiques ruminants arrivés sur terre pour délayer le chocolat matinal ou regarder passer les trains.
Ä Celui qui veut conduire le train : le candidat qui, une fois élu, devient le maire, le conseiller, le député, le… Les appellations changent selon les destinations. Le plus souvent, il a commencé comme militant, comme vendeur de billet, gilet rouge, ouvrier des voies, chef de gare, … Puis, un jour, parce qu’il le veut et que les autres le veulent, devient candidat.
Ä Ceux qui veulent conduire le train mais pour une autre destination. Ou avec d’autres moyens : les candidats adverses. On y trouve le candidat libéral, qui veut vendre les billets au prix le plus fort, selon le service, mais quelquefois pour une somme modique, le principal pour lui étant que toutes les places du train soient occupées. Le candidat communiste, qui partage avec le libéral le même souci d’occuper le train. Sauf qu’il ne demande pas l’avis aux voyageurs et qu’il les charge de force, se réservant par contre, à lui et ses amis, les places de première. Le candidat trotskiste, semblable au candidat communiste et dont l’unique différence est qu’il n’est pas le même. Le candidat socialiste, soucieux de mettre à côté de vous un voyageur que vous n’avez pas choisi, qui ne vous a pas choisi, et qui ne veut pas aller au même endroit que vous. Mais qu’importe : le paradis est pavé de bonnes intentions. Les candidats communiste et socialiste s’échangent parfois la place de conducteur suite à un accord secret que tout le monde connaît mais que personne n’a vu, surtout pas les militants. Le candidat démocrate, soucieux d’emmener le plus grand nombre, comme les autres, au prix le plus bas possible, pas comme les autres, souhaitant conjuguer les notions de liberté, d’égalité et de fraternité. Un idéaliste mais, comme a dit ce grand cheminot Charles DE GAULLE : “Ne faites pas de rêves médiocres : ils sont les plus difficiles à réaliser”. Le candidat nationaliste, dont l’intérêt n’est pas de remplir le train mais de le remplir uniquement de copies conformes à lui-même, accessoirement de français. Mais de souche. Sur trois, quatre, cinq générations. Le candidat écologiste, qui veut que le train fonctionne à la salsepareille schtroumpf. On peut trouver des candidats démocrato-écologistes et des candidats socialo-écologistes, quelquefois des candidats libéro-écologistes, jamais un autre mélange. Sauf chez les Bisounours. Et le candidat anarchiste, qui dit qu’il ne conduira pas le train, qu’il n’emmènera personne et qui donnera du lait aux buveurs de jus d’ananas en écoutant Jacques BREL susurrer “Ne me quitte pas”, tout peut s’oublier… Accessoirement, on trouve une vache, candidate à rien et qui se moque comme de sa première cloche des trains qui passent.
Ä Celui qui veut conduire le train qu’un autre a préparé : l’opportuniste, qui s’emmêle parfois les bras en retournant sa veste ou parfois les jambes en retournant son pantalon. Mais souvent la tête en retournant ses idées. Ou les idées des autres. Ou pas d’idées du tout.
Ä Celui qui veut prendre le train d’un autre et virer le conducteur : le profiteur. Il veut aller au même endroit que celui qui a créé le train mais veut le conduire lui-même. Quelquefois, quand le courage lui manque (en fait, tout le temps), il envoie un prête-nom, surtout quand ce dernier risque l’accident ou de laisser le train en gare.
Ä Celui qui ne veut pas conduire le train mais qui veut bien être le conducteur du train : le prête-nom. Accessoirement l’invité d’un dîner pour présenter sa collection de tours Eiffel en allumettes. Ou une vache.
Ä Ceux qui ne travaillent pas, auxquels ont ne demande rien mais qui pensent être, aux mieux, les aiguilleurs des voies, au pire, les vendeurs de billets, mais qui siègent dans l’allée menant à des toilettes désaffectées : les sages. Parfois utiles. Surtout à eux-mêmes. Certains se réunissent dans des endroits fermés pour porter un costume noir, des gants blancs et un tablier de même couleur. Pas pour faire la vaisselle. Ni laver le linge sale. Même en famille.
Ä Ceux qui se prennent pour le panneau d’information : les représentants des partis. Ils informent un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout.
Ä Ceux qui se prennent aussi pour le panneau d’information : les bloggeurs quand ils savent écrire, les twitters quand ils ne le savent pas. Ou peu. Ou les révolutionnaires de comptoir, qui n’écrivent pas.
Ä Celui qui s’amuse le jour de son anniversaire : moi, le rédacteur de cet article.
Sans rancune, vivement mars 2014.

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